Autour de 4.500 années avant notre ère, les hommes ont inventé l'agriculture et l'élevage, et ainsi procédé à une sélection progressive du vivant en général et des plantes en particulier. Ainsi sont nées au cours des millénaires les 18.000 variétés de tomates, les 20.000 variétés de pommes et les plus de 42 races de vaches qu'on dénombre aujourd'hui. Il suffisait de sélectionner une variété offerte par la nature au détriment d'autres moins prometteuses. Les humains ont vite compris qu'ils pouvaient manipuler les espèces animales et végétales à leur profit.
Car voilà, la nature a créé un matériel génétique qui est là
non seulement pour garantir la continuité du vivant, mais aussi pour adapter le
vivant aux conditions particulières que lui fait subir les humeurs de la
planète Terre, là un climat glaçant, plus tard à manque cruel d'eau. La Terre
mute et se transforme et le vivant s'y adapte grâce à la mutation du code
génétique qui le détermine. Ce qui ne se produit pas toujours, il y eut une demi-douzaine
d'extinctions massives des formes de vie repérées tout au long de l'histoire de
4,5 milliards d'années de notre vaisseau Terre.
Depuis une cinquantaine d'années, la science permet de manipuler le code génétique en provoquant des mutations du vivant.
Dans un premier temps de son exposé, Patricia Meunier explique les pratiques de modification génétique et les règles qui ont été fixées à ces pratiques donnant naissance aux organismes génétiquement modifiés (OGM). Les manipulations de la chaîne dite ADN (acide désoxyribonucléique), qui forme le code génétique, sont en constante évolution, comme l'exposition aux radiations provoquant des mutations ou l'implantation d'un ADN d'une plante dans la cellule d'une autre. On eut ainsi le pamplemousse à chair rose ou des variétés végétales qui s'adaptent aux herbicides. La réglementation européenne fait obligation d'affichage de ces pratiques dans certaines conditions sur les produits offerts au consommateur.
Patricia Meunier.
Mais la science avance, et vient le deuxième temps de l'exposé de Patricia Meunier, consacré aux nouvelles techniques génomiques qui permettent d'intervenir directement sur l'ADN en supprimant un maillon de la chaîne ou en le remplaçant par un autre maillon pris ailleurs.
Les chercheurs utilisent des enzymes qui opèrent comme des micro ciseaux, en coupant un bout d'ADN et on en recollant à sa place un autre. On doit cette révolution de la génétique à une Française, Emmanuelle Charpentier, qui travaillait sur les virus et qui a ouvert la voie notamment à des nouveaux types de vaccins qui nous ont été proposés lors de la covid. Elle fut honorée par le prix Nobel de chimie en 2020 en compagnie d'une autre scientifique pour cette découverte.
Ainsi commence l'ère des nouvelles techniques génomiques (les NTG). On peut se douter que les grandes compagnies de semenciers sont à l'affût. BAYER au premier rang mondial après sa reprise de MONSANTO (9,1 milliards de $ de chiffre d'affaires), et les autres, CORTEVA (7,3 milliards de $), SYNGENTA qui appartient désormais à un groupe chinois, BASF et VILMORIN, filiale du groupe coopératif français LIMAGRAIN. Voici les forces engagées sur le champ de bataille mondial de la semence, toutes avides de gagner de parts de marché pour conquérir l'Inde, l'Afrique ou l'Amérique du Sud et leurs milliards d'êtres humains qui souhaitent à leurs yeux "consommer" comme le font les Occidentaux et profiter à leur tour du confort permis par l'usage des énergies fossiles.
Dans cette bataille, l'éthique se mesure en $ ou en yuan et Bruxelles est la ville des milliers de lobbyistes payés pour agir sur les députés et fonctionnaires de la Communauté européenne. Ils sont puissants et très actifs dans le domaine des semences.
Dans ce contexte, semblant se détourner de son travail de protection des consommateurs, la Communauté européenne se propose de déréglementer les OGM. Pourquoi ? Sous influence des lobbies ? Peut-être par incapacité d'exercer les contrôles nécessaires ? N'avait-elle pas été mise en cause par nos agriculteurs empêchés d'utiliser certains entrants phytosanitaires alors que les produits importés n'étaient pas soumis aux mêmes règles ? Probablement aussi parce que certains dirigeants influents sont enfermés dans une vision d'un monde sans aucune frontière où toute chose n'est que marchandise qui doit circuler librement selon les convenances du profitable. Toute idéologie finit par rendre aveugle, une preuve de plus.
Un débat animé s'établit dans l'assistance. Il est rappelé que le label Bio exclu tout OGM. Mais 80% des semences utilisées par l'agriculture biologique sont des semences hybrides. Une variété hybride est obtenue par le croisement de deux variétés ayant des caractères intéressants. Les sélectionneurs cherchent à associer des caractères tels que le rendement et la précocité ou la qualité gustative et la résistance aux maladies. Pour la plupart des graines ainsi commercialisées, la multiplication à la ferme est interdite et si l’agriculteur choisit de les ressemer, les graines hybrides ne donneront la plupart du temps que des productions médiocres. Il est donc incité à acheter à nouveau les semences hybrides pour s’assurer d’un bon rendement et devient un client captif du marchand de semences. Les semences paysannes sont issues, elles, d'une pollinisation libre, ayant des qualités gustatives incontestables et une diversité génétique.
La centaine de personnes rassemblée dans la salle des Tanneurs d’Henrichemont ce samedi 1er juin 2024 s'interroge. On voit bien que cet atelier de réflexion de la Coop a atteint son but. Par ordre alphabétique des noms, merci à Marianne Carrive, Véronique Djabéla, Catherine Galot, Patricia Meunier et Sylvie Todescato qui ont documenté, préparé et organisé cet atelier de réflexion défini lors de la dernière assemblée générale de la Coop.
Toutes les questions n'ont pas eu leurs réponses, mais l'important est de les avoir posées. L'atelier a ouvert un vaste champ de réflexion, c'était bien là son rôle.
Emmanuel Antoine.
Après une courte pause, vient le tour d'Emmanuel Antoine d'exposer aux participants les tenants et aboutissements de la coopérative bretonne d'intérêt collectif Graines de Liberté (Hadoù ar frankis) https://www.grainesdeliberte.coop
Cette coopérative est l'aboutissement d'un cheminement qui remonte à 2019. Des cuisiniers désirant renforcer leurs relations avec les agriculteurs et maraîchers font le constat qu'une remontée en compétence est nécessaire dans le domaine de la semence paysanne. Les graines appartiennent à tous et sont la propriété de personne. Elles sont les produits des amours végétales et doivent être respectées pour leur spécificité. Comme source de saveurs et de santé, elles relèvent du savoir-faire du semencier.
L'originalité de l'établissement semencier coopératif est d'associer à sa gouvernance les particuliers, les entreprises et les salariés. Elle veut défendre des intérêts et non des causes.
La coopérative comprenant deux permanents est à la focale d'une vingtaine de producteurs lui permettant de commercialiser près de 140 variétés paysannes de graines (dont certaines sont proposées à la vente aux membres de la Coop). Elle se veut un lieu d'échange de savoirs et d'expériences.
Il suit à nouveau de très nombreuses prises de parole et d'échanges. Sur les aspects techniques, une contribution d'un membre de la Grainothèque de Reuilly https://www.grainothequedereuilly.fr détaille les méthodes de sélection et d'adaptation des semences (notamment de la courge "Sucrine du Berry", de la tomate "Charbonnière du Berry" et du haricot "Barangeonnier").
D'autres interventions soulèvent la question éthique face aux manipulations du vivant. D'autres regrettent le manque d'études médicales mesurant l'impact des OGM sur la santé humaine. Plusieurs participants ont lancé des appels au bon sens qui en ces temps troublés invitent au retour des repaires. Et pourtant, ne dit-on pas que les pendules finissent toujours par se remettre à l'heure, quoique veulent le temps et la fantaisie humaine.
GH